Chroniques

par laurent bergnach

Gioachino Rossini
Il signor Bruschino | Monsieur Brusquin

1 DVD Opus Arte (2015)
OA 1109 D

Avant de débuter son legs au monde lyrique d’ouvrages indémodables, lesquels réjouissent encore aujourd’hui spectateurs et directeurs – L’Italiana in Algeri (1813), Il barbiere di Siviglia (1816), La Cenerentola (1817), etc. –, le post-adolescent Rossini (1792-1868) livre, pour le Teatro San Moisè de Venise, une série de cinq opéras en un acte mêlant farsa et burletta : La cambiale di matrimonio (Le contrat de mariage, 3 novembre 1810), L’inganno felice (L’heureux stratagème, 8 janvier 1812), La scala di seta (L’échelle de soie, 9 mai 1812), L’occasione fa il ladro (L’occasion fait le larron, 24 novembre 1812) et Il signor Bruschino (Monsieur Brusquin, 27 janvier 1813).

Sous-titrée Il figlio per azzardo, l’œuvre s’inspire d’une pièce française signée René de Chazet et Maurice Ourry, Le fils par hasard, ou Ruse ou folie, représentée pour la première fois à Paris, le 7 septembre 1809 (Théâtre de S. M. l’Impératrice). C’est dans cette comédie en cinq actes, plantée à un quart de lieue de Beauvais, que le librettiste Giuseppe Foppa va rencontrer les personnages adaptés pour la scène italienne : le négociant Desroches et sa fille Sophie, le fameux Brusquin, marin ami du premier, et Folleville, amant de la seconde, ainsi que Marine, la suivante, et Durillon, aubergiste au Chapeau rouge.

Le 12 août 2012, le Rossini Opera Festival de Pesaro (sa ville natale) présentait une nouvelle production de cette classique histoire de tuteur dupé, au nom de l’amour, par un imposteur en lequel Brusquin s’obstine à ne pas reconnaître le fils qui doit épouser la fille de son ami. Elle est signée du collectif florentin Teatro Sotterraneo (Sara Bonaventura, Claudio Cirri, Daniele Villa, etc.) qui situe l’action dans un lieu de culture et de commerce qu’on dira pop, le parc à thème RossiniLand où se croisent employés-chanteurs et visiteurs-spectateurs.

En accord avec le climat amoureux initial (cavatine languissante, duo complice), la première partie du spectacle peine à faire sourire. Malheureusement, la deuxième aussi, qui pèche par une fantaisie sans surprise et des gags exploités à outrance (le canapé-bascule). Parfois, cinq têtes valent moins qu’une ! Dès lors, mieux vaut savourer la direction alerte et saillante de Daniele Rustioni, chef prometteur à la tête de l’Orchestra Sinfonica G. Rossini, et les qualités vocales des solistes – certains s’expriment dans le making of offert en bonus (vingt minutes sous-titrées en anglais).

Ils sont sept ici réunis : Carlo Lepore (Gaudenzio) à l’ampleur s’affermissant – on garde en mémoire ses bouffonneries pergolèsiennes [lire notre critique des DVD La serva padrona et Livietta e Tracollo] –, Maria Aleida (Sofia) dont les vocalises sont surprenantes alors que le soprano parait d’abord confidentiel, Roberto de Candia (Bruschino senior) à la fois souple et impacté, ainsi que David Alegret (Florville) au ténor clair et robuste. Dans les rôles secondaires, outre les sonores Andrea Vincenzo Bonsignore (Filiberto) et Francisco Brito (Bruschino junior, Policier), on apprécie Chiara Amarù (Marianna) au mezzo coloré et charnu.

LB